Télétravail à l'international, détachement d'un salarié ou expatriation ?

Publié le: 04-10-2023

Le détachement est-il adapté au télétravail à l’international d’un salarié ?

Le détachement de salariés offre aux entreprises une flexibilité pour répondre aux besoins du marché global, mais il doit être réalisé dans le respect des droits des travailleurs. Une connaissance approfondie du cadre juridique est essentielle pour garantir une mobilité sécurisée et équitable des salariés à l'international.

Le télétravail à l'international soulève des enjeux complexes qui rendent difficile l'application directe du régime du détachement, traditionnellement conçu pour des missions physiques à l'étranger. Nous vous expliquons ici pourquoi le régime du détachement ne convient en général pas au télétravail à l'international.

Détachement d’un salarié et autre mobilité internationale : un peu d’histoire

L'histoire de la législation sur la mobilité internationale est riche et complexe, reflétant les défis et les opportunités de chaque époque. À mesure que le monde continue d'évoluer, la législation sur la mobilité internationale devra s'adapter pour répondre aux besoins changeants des individus et des sociétés.

Après la Seconde Guerre mondiale (1945-1960)

Fondation de l'ONU : Avec la création de l'Organisation des Nations Unies en 1945, des efforts ont été déployés pour garantir les droits de l'homme, y compris le droit d'asile et le droit de circuler librement.

Création du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) : En 1950, le HCR a été créé pour aider les millions de personnes déplacées par la Seconde Guerre mondiale.

La Guerre froide (1960-1990)

Mobilité limitée : La Guerre froide a divisé le monde en deux blocs, rendant la mobilité difficile entre les pays du bloc de l'Est et du bloc de l'Ouest.

Accords bilatéraux : Certains pays ont conclu des accords bilatéraux pour faciliter la mobilité de la main-d'œuvrepour répondre à des besoins spécifiques.

Période de globalisation (1990-2000)

Émergence de blocs régionaux : Des organisations comme l'Union européenne ont renforcé la libre circulation des personnes. Le traité de Schengen, par exemple, a permis la libre circulation des personnes dans l'espace Schengen sans contrôle aux frontières intérieures.

Accords multilatéraux : L'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'Organisation mondiale du commerce a inclus des dispositions sur la mobilité des personnes physiques.

Début du 21ème siècle (2000-2020)

Augmentation des flux migratoires : Avec la mondialisation, de plus en plus de personnes ont traversé les frontières pour le travail, les études ou d'autres raisons.

Renforcement des réglementations : De nombreux pays ont renforcé leurs réglementations en matière d'immigration pour contrôler et gérer la mobilité internationale. Les accords bilatéraux et multilatéraux sur la mobilité de la main-d'œuvre sont devenus plus courants.

Crise des réfugiés : Les conflits dans des régions comme le Moyen-Orient ont provoqué d'importants flux de réfugiés, obligeant les pays et les organisations internationales à réévaluer leurs législations et politiques d'asile.

Actualité (après 2020)

Impact de la pandémie de COVID-19 : La pandémie a grandement affecté la mobilité internationale, avec des restrictions de voyage, des quarantaines et d'autres mesures mises en place par de nombreux pays.

Télétravail et mobilité : La popularité croissante du télétravail a commencé à poser des questions sur la législation entourant la mobilité virtuelle et le travail à distance depuis des pays étrangers.

Le détachement d’un salarié ou son expatriation ?

A la création du modèle juridique Holiworking en 2019, les statuts préexistants de mobilité internationale sont le détachement d’un salarié et son expatriation. Qu’est-ce-qui les distingue? 

Imaginez que vous êtes employé dans une entreprise et que celle-ci vous demande de travailler temporairement dans une autre branche ou un autre département de la même entreprise, mais dans un autre pays. Vous restez sous le contrat de votre entreprise d’origine, mais vous travaillez ailleurs. Il s’agit d’un détachement

Un enseignant français peut par exemple être détaché pour travailler dans un établissement à l'étranger. Il continue de dépendre de son employeur en France et bénéficie des mêmes droits et avantages, bien qu'il travaille à l'étranger.

Le détachement d’un salarié, c'est comme un prêt. Le salarié est "prêté" à une autre organisation ou pays mais reste lié à votre organisation.

Imaginez maintenant que votre entreprise vous propose de quitter votre entreprise et votre pays pour travailler et vivre dans un autre pays avec un nouveau contrat, et sous les lois du nouveau pays. Il s’agit alors d’une expatriation.

Un médecin français qui décide de s’installer et de travailler au Canada avec un contrat canadien est par exemple un expatrié. Il dépendra désormais du système juridique et social canadien.

L’expatriation d’un salarié, c'est comme un déménagement. Le salarié quitte votre organisation et son ancienne vie pour en commencer une nouvelle, dans un nouveau pays avec de nouvelles règles.

Durée : Le détachement est souvent temporaire, alors que l’expatriation peut être permanente.

Lien contractuel : En détachement, le lien avec l'employeur d'origine est maintenu. En expatriation, un nouveau lien contractuel est établi avec un nouvel employeur ou le même employeur, mais sous une législation différente.

Régime social : En détachement, le salarié reste généralement sous le régime juridique et social de son pays d'origine. En expatriation, il passe sous le régime du pays d'accueil.

Le détachement salarié : cadre juridique

Ce mécanisme est soumis à un cadre juridique strict afin de garantir les droits des salariés.

La directive européenne 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de salariés effectué dans le cadre d'une prestation de services a établi les bases de la réglementation sur le détachement des travailleurs au sein de l'Union européenne. Cette directive a été transposée dans le droit français, influençant les articles du Code du travail relatifs au détachement.

Depuis cette directive, diverses modifications ont été apportées pour renforcer le cadre du détachement, notamment pour lutter contre le dumping social. Les articles du Code du travail encadrant ces aspects peuvent être trouvés principalement sous le Livre Ier, Titre II, Chapitre II : "Détachement temporaire des salariés par une entreprise non établie en France".

  1. Conditions du détachement

Le détachement d’un salarié est soumis à plusieurs conditions:

  • Durée limitée: Le détachement ne peut excéder une durée maximale (par exemple, 24 mois dans le cadre de l'UE).
  • Maintien du lien de subordination: Le salarié détaché reste lié par un contrat de travail avec son employeur d'origine.
  • Conformité aux règles d'accueil: Le salarié détaché doit respecter les règles du droit du travail du pays d'accueil, notamment en matière de salaire minimum, de durée de travail et de conditions de sécurité.
  1. Les droits du salarié détaché

Les salariés en détachement bénéficient des conditions de travail et d'emploi du pays d'accueil concernant:

  • Le salaire minimum;
  • Les périodes de repos;
  • La durée maximale du travail;
  • Les congés payés;
  • La santé et la sécurité au travail;
  • Les conditions de mise à disposition et de logement pour les travailleurs saisonniers.

Ils continuent également de bénéficier de la protection sociale de leur pays d'origine. Dans le cadre de l'UE, le salarié détaché reste affilié à la sécurité sociale de son pays d'origine.

  1. Obligations de l'employeur

L'employeur qui détache un salarié doit:

  • Informer le salarié de ses droits et obligations avant le début du détachement;
  • Garantir les conditions de travail et d'emploi, y compris d’équivalence de rémunération, du pays d'accueil;
  • Conserver les documents attestant de la situation de détachement (contrat de travail, preuve du paiement des salaires, etc.) et les mettre à disposition en cas de contrôle;
  • Désigner un représentant dans le pays d'accueil pour servir de liaison avec les autorités locales;
  • Assurer le remboursement des frais de déplacement générés par la mission de son salarié à l'extérieur de l'entreprise, ainsi que ses frais effectifs de repas, bien évidemment.
  1. Sanctions

Le non-respect des règles de détachement d’un salarié expose l'employeur à des sanctions financières, administratives, voire pénales, selon la gravité de l'infraction. Les États membres de l'UE, par exemple, ont renforcé les contrôles et les sanctions pour lutter contre les abus et le dumping social.

  1. Jurisprudence

La jurisprudence joue un rôle crucial pour clarifier, préciser et interpréter les textes en fonction des situations concrètes qui sont présentées aux juges.

En France, plusieurs affaires judiciaires ont contribué à éclairer les contours du détachement de salariés, notamment, sur les points suivants : 

  • Conditions de travail et d'emploi;
  • Fraude au détachement;
  • Affiliation à la sécurité sociale;
  • Établissement stable et implications fiscales.

Le détachement d’un salarié : comment faire?

Dans les situations de détachement d’un salarié ou de pluriactivité, le service Urssaf mobilité internationale et son service en ligne permettent aux travailleurs et aux entreprises :

  • d'attester et de continuer à bénéficier de la protection sociale française lorsqu’ils travaillent à l’étranger, sous certaines conditions ;
  • ou de déterminer de quel système de Sécurité sociale ils relèvent (France ou autre pays), en particulier lors d’une activité prévisible et alternée dans plusieurs pays à la fois.

L’Urssaf service mobilité internationale détermine avec ses partenaires internationaux de quel pays vous dépendez selon votre situation. 

Pour cela, lorsque le travailleur réside en France, vous devez demander à l’Urssaf un certificat :

  • A1 pour les pays de l’EEE, la Suisse et le Royaume-Uni ;
  • bilatéral pour les 41 pays ou Tom ayant signés un accord de protection sociale avec la France ;
  • de maintien à la Sécurité sociale française pour les autres pays.

Les informations générales sur les conséquences de la mobilité internationale relèvent de la compétence du Cleiss. Vous pouvez consulter leur site pour en savoir plus sur les pays concernés, les particularités des conventions associées ou encore sur les différences entre détachement, pluriactivité et expatriation.

Le télétravail à l’international : ni détachement du salarié, ni expatriation !

Le détachement et l’expatriation sont utiles dans le cadre d’envoi en mission (export, internationalisation, etc.) ou de mutation à l’international. Ces mobilités sont à l’initiative de l’employeur, dans l’intérêt de l’activité économique. 

Contrairement à celles-ci, les mobilités internationales en télétravail, accompagnées et sécurisées par Holiworking, répondent à une demande du collaborateur et leur destination résulte de la convenance personnelle. 

En outre, le détachement d’un salarié, qui conserve pourtant sa relation de travail et son lien de subordination à l’entreprise, n’est pas adapté aux demandes de télétravail à l’international, pour les raisons suivantes : 

  • Nature du travail : Le régime de détachement est conçu pour des salariés envoyés à l'étranger pour une mission précise, souvent dans le cadre d'un projet ou d'une collaboration spécifique. Le télétravail, quant à lui, ne nécessite pas nécessairement que le salarié se déplace physiquement.
  • Fiscalité : Le télétravail depuis un autre pays pourrait avoir des implications fiscales pour le salarié et l'employeur. Par exemple, la présence d'un salarié dans un autre pays pourrait créer un établissement stable pour l'entreprise dans ce pays, avec des conséquences fiscales associées.

  • Immigration : Hors UE, l’exercice du télétravail sur le sol étranger par un collaborateur français requiert, en fonction de la législation de chaque pays, un visa spécifique.

  • Sécurité sociale : Dans le cadre d'un détachement, le salarié reste affilié à la sécurité sociale de son pays d'origine. Cependant, avec un télétravail long, le pays d'accueil pourrait exiger l'affiliation du salarié à son propre système de sécurité sociale.

  • Réglementation locale : Même en télétravail, le salarié pourrait être considéré comme étant soumis au droit du travail local. Cela pourrait inclure des éléments tels que la durée du travail, les congés, la santé et la sécurité, etc.

  • Protection des données et sécurité de l'information : Le télétravail international peut poser des défis en termes de conformité avec les réglementations sur la protection des données et la sécurité des informations.

  • Cohésion d'équipe et culture d'entreprise : Même si cela ne relève pas directement du droit social, le fait de permettre à des employés de travailler depuis des emplacements internationaux peut avoir des implications pour la cohésion de l'équipe et la culture d'entreprise.

Ceci explique que malgré toutes les évolutions et les réflexions menées par les institutions, il n’existe pas aujourd’hui dans la législation de solution pour un salarié détaché en télétravail

Cas spécifique du détachement pour télétravail transfrontalier

Une exception: depuis le 1er juillet 2023, un accord-cadre dérogatoire européen permet de maintenir à la législation de Sécurité sociale de leur État d’emploi les salariés frontaliers qui télétravaillent moins de 50 % de leur temps de travail dans leur État de résidence. 

Cet accord de détachement d'un salarié pour télétravail transfrontalier en Europe, d’une durée de 5 ans, a été signé par la France.

Cet accord-cadre est notamment applicable aux salariés frontaliers relevant de la législation française de Sécurité sociale dont la résidence est située hors de France et dont l'employeur ou l'entreprise (siège social ou siège d’exploitation) est situé en France. À l’inverse, les salariés résidant en France avec un employeur sur le territoire d'un autre État membre de l'Union Européenne, à condition qu'il soit également signataire, peuvent bénéficier des mêmes dispositions.

L’accord ne peut être appliqué qu’aux salariés frontaliers ayant un seul employeur ou dont les différents employeurs sont tous établis dans un même État.

Pour être applicable, le télétravail dans l’État de résidence doit représenter 25 % à 49 % du temps de travail. Dans les autres situations, ce sont les règles classiques du détachement salarié et de la pluriactivité qui s’appliquent.

En conclusion, sauf exception, le détachement d’un salarié n’est pas une réponse appropriée à sa demande de télétravail à l’international.

Bien que le télétravail à l'international présente des avantages tels que l'accès à un vivier de talents plus large et une plus grande flexibilité pour les salariés, il nécessite une approche différente de celle du détachement salarié traditionnel. Les entreprises qui envisagent cette option doivent être conscientes des implications juridiques, fiscales et organisationnelles. 

Le modèle contractuel et juridique Holiworking a été créé pour naviguer correctement dans cette nouvelle réalité de travail et donner un cadre juridique de télétravail à l’international. Ainsi, en tant qu’employeur, vous pouvez accueillir sereinement, adresser et sécuriser les projets des collaborateurs. 

Cerise sur le gâteau, Holiworking a été dessinée pour que l’expérience collaborateur soit immersive, durable et vertueuse pour les territoires qui nous accueillent : une expérience riche qui fait grandir votre collaborateur! 

Échanger avec Myriam, RH Holiworking


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